Un colloque autour de Jean Amrouche à Paris

L’homme-passerelle

 Jean Amrouche, l’homme-passerelle. C’est le thème d’un colloque que prévoit d’organiser l’Association culture berbère (ACB), samedi prochain à 14 h, dans ses locaux parisiens, au 37 bis rue des Maronites.

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Près d’un demi-siècle après sa disparition, «l’étoile qu’il portait au front ne s’est pas éteinte», dixit son ami, Jules Roy. «Alors que l’Algérie est plus que jamais confrontée à son rapport avec les marges, l’altérité, sa part de différence, et ses difficultés à l’assumer, Jean El Mouhoub Amrouche fait un retour par son caractère duel, sa personnalité composite», souligne l’ACB dans l’argumentaire de son programme.

Pierre vivante de la Cité des hommes, Jean El Mouhoub Amrouche n’en fut pas moins confronté à un destin tragique. «La famille Amrouche occupa la place de l’entre-deux identitaire et culturel, renégate pour la communauté dont elle était issue, jamais assez française et totalement intégrée pour la communauté qu’elle avait désiré rejoindre», indique l’association que préside Slimane Amara.

Catalyseur de deux cultures, Jean El Mouhoub Amrouche s’est taillé une place dans l’Olympe littéraire français de l’époque. Il en fut surtout, aspect méconnu, le porte-voix des Algériens sans voix, ses «frères de sang», écrasés par le colonialisme français. Disparu peu avant l’indépendance, ce Jugurtha aux dons exceptionnels qui rêvait d’une Algérie «multiraciale qui dépassera les antagonismes de race et les antagonismes religieux», fut vite banni. Même si l’hybride culturel qu’il incarna se savait déjà condamné par l’Histoire.

Le présent colloque s’inscrit dans ce mouvement de «dépoussiérage» d’une mémoire occultée. «Est-il temps en 2010 de reconnaître enfin l’héritage légué par Jean Amrouche, cette arche d’alliance, ce pont jeté entre deux communautés dont il désira préserver les liens alors que la haine submergeait les deux camps ? Est-il temps en 2010 de réintégrer pleinement Jean Amrouche dans la mémoire culturelle et historique de l’Algérie et de légitimer ses différentes dimensions : poète, critique, éditeur, homme de radio, journaliste, militant politique ?», espèrent les organisateurs.

Et pour mettre à l’honneur ces différentes facettes de l’enfant du «pays crucifié» (Ighil-Ali), les illustres intervenants, entendent évoquer «l’accoucheur des autres» et «la voix au service de son peuple».Premier à ouvrir le bal, Michel Carassou, directeur des éditions Non lieu, évoquera «Amrouche, éditeur et critique». C’est lui-même qui a édité le journal intime de Jean Amrouche, présenté par Tassadit Yacine en 2009.

Ensuite, Pierre Masson, professeur émérite de l’université de Nantes, tentera à travers L’Identité et son double de mettre l’exergue sur les féconds échanges épistolaires entre Gide le nobélisé et Amrouche le tourmenteur littéraire. En collaboration avec Guy Dugas, Pierre Masson a édité en octobre 2010 la Correspondance Gide-Amrouche, 1928-1950. Universitaire et écrivaine, professeur de littérature française et francophone à Paris 8, Zineb Ali-Benali  s’intéressera, pour sa part, au «poète, entre scripturalité latine et oralité berbère».

Abdelhak Lahlou, chercheur en littératures francophone et berbère, compte s’appesantir sur «poésie et enfance ou le chant profond de Jean Amrouche». Dans le même registre, le poète Ben Mohamed évoquera, quant à lui, Jean Amrouche, son «aîné». Alors que le psychanalyste et écrivain, Nabil Farès exhumera  » Le livre qui manque« , le romancier Anouar Benmalek, portera un regard sur un «écrivain déchiré». Et pour clôturer les travaux du colloque, il est prévu des lectures, par Cathérine Labbé et Belkacem Tatem, de textes de cet Algérien universel, «fils d’une double vérité», d’après Jacques Berque.

par Hocine Lamriben


 NB:article publié sur les colonnes du journal El Watan en date du 15 décembre 2010.

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